Homélie du vendredi 2 avril

4 Avr 2021 | Homélies

Vendredi Saint

Père Gilles Rousselet

Hier je vous disais que Jésus accomplit une mystagogie : Jeudi Saint, Jésus lave les pieds de ses disciples. Bien sûr, ça les a surpris, parce qu’ils n’étaient pas préparés à cet acte ; surtout la réaction de Simon-Pierre, qui après tout pourrait être la nôtre, chacun de nous : « Non, tu ne vas pas me laver les pieds… » Jésus n’explique pas, il dit simplement que si tu n’acceptes pas, tu n’auras de part avec moi dans le Royaume de Dieu. Ça a dû être une parole étonnante, tellement que Simon-Pierre a bredouillé « Lave-moi tout entier ». C’est le côté un peu excessif de Simon Pierre ! Et c’est après que Jésus va expliquer : « Vous m’appelez ‘Maître’ et ‘Seigneur’ et vous avez raison, car vraiment je le suis. » « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir,  et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Alors, il a expliqué le sens de ce qui se passait et de ce qui se passe pour nous.

L’évangile hier nous disait que « Jésus ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Aujourd’hui nous allons voir jusqu’à quel point c’est vrai ! Il m’arrive souvent de dire qu’on ne peut pas recevoir toutes les grâces du Triduum pascal sans vivre chaque élément du triduum. La liturgie accomplit une extraordinaire catéchèse, une extraordinaire compréhension de ce qui se passe. Je pense que quelqu’un qui vivrait le dimanche de Pâques simplement, sans avoir vécu le Jeudi Saint, le Vendredi Saint, la Vigile Pascale, ne comprendrait rien à ce qu’est ce mystère chrétien.

Jésus nous a fait entendre qu’il nous aimait vraiment jusqu’au bout. Et en lavant les pieds de ses disciples, vous avez compris je pense, que c’est le geste accompli par les esclaves pour rendre dignes ceux qui sont invités à s’asseoir à la table. Et en fait, il dit que dans l’offrande qu’il fait de sa vie, c’est le grand service de la volonté du Père que nous soyons unis à Lui, en communion avec Lui dans l’éternité. Ça ne repose pas du tout sur nos mérites, mais sur son amour totalement gratuit. Et si vous n’étiez pas là ce matin, vous ne pourriez pas comprendre ! Vous pourriez dire « Mais si, l’an dernier je l’ai entendu déjà ! » Mais non ! Parce que Jésus a dit aussi dans un autre passage de l’évangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Lc 4, 21) C’est pour aujourd’hui ! On a eu un partage d’évangile et une des personnes a dit ce jour-là « Aujourd’hui, 30 mars ! » C’est aujourd’hui ! Comme disait mon père : « le pain d’hier est rassis. » Le pain que nous devons manger aujourd’hui, c’est celui d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous pouvons contempler, y compris dans la méditation du Chemin de Croix, ce que veut dire que Jésus a été jusqu’au bout. Et ce que je vous invite à faire au cours de cette journée, c’est de vous interroger sur ce que vous ressentez : en suivant Jésus dans sa Passion, que ressentez-vous ? N’ayons pas peur de le dire, chacun est devant sa conscience et devant le Seigneur, c’est un chemin de conversion. Ça peut être « voilà, c’est un Vendredi Saint de plus. Je l’accomplis comme un devoir, j’accomplis mes pâques. » Peut-être que c’est une légère indifférence ; peut-être de la compassion pour le Seigneur Jésus. Peut-être de la colère : « C’est scandaleux, ce qu’il a subi ! » Ce soir, avec les jeunes de la Maison des Jeunes, nous allons suivre un parcours sur le Saint Suaire. Le St Suaire est une relique qui nous montre et atteste d’une manière médicale et scientifique ce que le crucifié a vécu et subi.

En réalité, le Vendredi Saint est un temps de conversion personnelle. Et si vous lisez la première lecture, vous comprenez ce que ça veut dire. Hier, je vous ai dit ce que je comprenais dans le lavement des pieds. Parce que Jésus a dit « ‘Vous êtes purs, mais non pas tous’ il savait bien qui allait le livrer. » « Vous êtes tous purs, parce que vous avez été purifiés dans mon amour ». C’est ça la pureté ! Ce n’est pas une pureté morale, le christianisme n’est pas une religion de la morale, mais une religion de l’amour.

En fait nous sommes purifiés par la vérité qui se réalise là, que nous avons entendue d’ailleurs dans l’évangile qui nous pose cette question « Qu’est-ce que la vérité ? » : «La vérité, c’est que je t’aime ». La vérité s’accomplit de manière sacramentelle parce que Jésus nous a purifiés dans son sang. Thérèse de Lisieux disait « Rappelle-toi Jésus, quand tu mourais sur la croix, c’est à moi que tu pensais. » C’est ça, la véritable conversion du Vendredi Saint. Et vous avez vu dans la première lecture, le prophète Isaïe dit « C’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé. » C’est à cause de nous, à notre place ! C’est ça la véritable conversion, c’est ça le sens véritable du Vendredi Saint !  C’est ça le vrai sens de la purification dont le Christ a parlé « Vous êtes tous purs, je vous ai lavés dans mon précieux sang. J’ai offert ma vie en sacrifice pour vous. » C’est ça la véritable conversion, c’est ça être véritablement chrétien ! Et ça, c’est le fruit du Triduum pascal ! Et vous comprenez la joie du dimanche de Pâques : nous sommes sauvés ! Nous étions coupés, personne ici ne peut dire qu’il ne s’est pas coupé du Christ, qu’il n’est pas coupable. Chacun de nous, nous sommes coupables, et d’une certaine manière c’est notre chance. « Bienheureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! » Celui qui n’intègre pas dans ce Triduum pascal qu’il est un pécheur purifié dans le sang du Christ, a encore du chemin à parcourir, sans jamais se désespérer bien sûr. Pare que comme Jésus disait à Saint Brigitte : « Ta conversion n’est pas ton problème, c’est le mien. Occupe-toi de moi, je m’occuperai de toi. »

Amen