Homélie du lundi 23 novembre 2020

24 Nov 2020 | Homélies

Père Gilles Rousselet

 (Ap 1, 1-3.4b-5 ; Ps 23 ; Lc 21, 1-4)

Voilà un récit admirable qui ne peut pas nous laisser indifférent. Surtout vue le contexte où il se déroule, dans le temple. Jésus arrive vers l’aboutissement de son pèlerinage qui va le conduire justement à tout offrir, offrir tout ce qu’il a et offrir tout ce qu’il n’a pas pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Et il vient de fustiger, on peut dire, tous les riches dans tous les sens du terme : pas seulement la richesse matérielle, mais cette richesse qui consiste à croire que nous avons quelques mérites, que nous méritons quelque chose au sujet du Royaume de Dieu ; alors que c’est précisément dans la gratuité totale qu’il se donne à nous. Et donc il voit les yeux et il voit un peu comme dans un mouvement de comparaison. Vous connaissez bien la plateforme Zoom que nous utilisons pour des réunions pour continuer de travailler ensemble dans ce temps de confinement. Là, il y a comme un zoom, une double focale (je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça). Le premier justement sur les riches qui donnent, dans le temple, de leur superflu.

Et il y a là une petite femme peut être un peu courbée par le poids des années, peut être aussi par la tristesse d’être veuve. Et par son statut social : parce qu’au temps de Jésus, une veuve n’a absolument aucune existence. Une femme appartient à son père, à sa famille, avant son mariage ; après son mariage, elle appartient à son mari. Et elle dépend des membres de la famille de son époux après son veuvage. Elle est vraiment réduite à une inexistante sociale, d’une certaine manière elle n’a rien. Jésus nous invite, en invitant les apôtres, à regarder le geste de cette femme qu’il qualifie d’extraordinaire. Il dit qu’elle a donné bien plus : évidement ce n’est pas ces petites pièces qui vont permettre de construire le temple ! En même temps, ce temple va être détruit, et il n’en restera pas pierre sur pierre. Mais dans la perspective de sa pâque, nous savons que le Temple, c’est Jésus : c’est lui qui est la présence de Dieu parmi les hommes. Et nous sommes, nous, les pierres vivantes de ce temple. Et il décrit par ses paroles quelle est la valeur de ces pierres vivantes : elle a donné de ce qu’elle a et elle a donné de son indigence. C’est vraiment important de bien comprendre ce que Jésus dit. Il a perçu la valeur inouïe de cette femme ! Au point qu’un prédicateur disait que c’est une sorte de suicide spirituel : à partir de là, elle n’a plus rien pour vivre ! Mère Teresa de Calcutta a commencé, on peut dire, son véritable ministère miraculeux à Calcutta, le soir justement où elle s’est couchée et elle avait donné tout ce qu’elle avait et elle n’avait plus rien. Elle a dit à Jésus : « Maintenant si tu veux que ton œuvre se propage, il faut que tu me donnes. Et à partir de là a commencé véritablement le miracle de Calcutta. Et c’est ça l’attitude de cette femme : elle a donné tout ce qu’elle avait et tout ce qu’elle n’avait pas. Jésus dit bien les deux : « Elle a donné ce qu’elle avait et ce qu’elle n’avait pas. »

Comment ça peut se traduire aujourd’hui pour nous ? Comment pouvons-nous être les pierres vivantes de ce temple, du Royaume de Dieu présent déjà là parmi les hommes et toujours à construire ? Eh bien justement, c’est à la fois dans ce que nous donnons et aussi dans la manière que nous avons de donner. Est-ce que nous donnons tout ce que nous avons en trop, tout ce qui ne nous sert à rien… Parfois à Noël, on invite les enfants à donner un cadeau pour un camarade qui n’en a pas, mais est ce qu’ils prennent un des jouets qu’ils aiment beaucoup, ou un des jouets dont ils n’ont plus besoin ? Et nous, est ce que nous donnons vraiment ce qui est important pour nous, en sachant qu’« aimer c’est tout donner et se donner soi-même » ?

C’est déjà une première perspective dans cette approche de Noël : que pouvons-nous offrir, qui a vraiment de l’importance pour nous ? Et chacun a quelque chose à donner, de toute façon !

Et aussi, découvrir que nous pouvons donner ce que nous n’avons pas. Avec ma mère, nous accompagnons un groupe de veuves et elles comprennent bien ça : elles peuvent donner l’absence, qui est vraiment très douloureuse pour des veufs, l’absence de l’être aimé. L’absence que nous pouvons offrir à Dieu pour qu’il manifeste sa présence et son amour et c’est ce qui donne une très grande puissance à la prière des veuves et à toute personne qui va offrir à la fois ce qui est vraiment nécessaire pour elle et aussi ce qu’elle n’a plus. Par exemple, on peut donner à Dieu le fait de ne pas savoir prier, de ne pas savoir aimer, de ne plus savoir faire quelque chose, de perdre des moyens. On peut lui offrir tout ça et dans cette offrande généreuse, qu’on ne peut jamais revendiquer : (« regarde Seigneur, si tu as fait ça, c’est parce que je t’ai offert ça… » Mais accueillir tout de la gratuité du Royaume de Dieu à travers notre offrande.

C’est ce que nous allons faire dans quelques instants dans l’offertoire : offrir notre vie, toute notre vie. Offrir notre misère spirituelle, il ne s’agit pas d’offrir nos qualités, nos vertus, qui appartiennent déjà à Dieu. Mais offrir toute notre pauvre vie, par les mains de Marie, à sa propre offrande dont nous connaissons évidemment l’infinie fécondité.

Amen