Homélie du dimanche 22 novembre 2020

22 Nov 2020 | Homélies

Père François Jourdan

Fête de Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers – Année A

(Ez 34, 11-12.15-17 ; Ps 22 ; 1CO 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46)

Cette fête du Christ Roi de l’Univers est une occasion pour nous de mesurer un petit peu plus, nous sommes toujours dépassés et c’est normal, il ne faut pas s’affoler, nous portons plus que nous-même dans notre vie. Toutes les religions le sentent, toutes les sagesses. Mais alors avec nous, c’est la centralité du Christ, dans notre foi. Christ Roi de l’univers !

Et déjà dans la première lecture, c’est assez extraordinaire, pendant le temps du peuple en exil à Babylone, une partie du peuple en exil à Babylone, voilà que le prophète Ézéchiel annonce que Dieu va venir, lui-même ! C’est moi, ainsi parle le Seigneur, voici que moi-même je m’occuperai de mes brebis, je veillerai sur elles, c’est moi qui ferai paître mon troupeau. Ça annonce déjà, sans préciser beaucoup, mais tout de même, on sent bien que c’est le Christ qui est là et qui va venir. Et la brebis perdue je la chercherai, parce que en venant, voyez c’est très beau ça, cette attitude de Dieu qui court après ceux qui se perdent. Dieu est sauveur. C’est absolument central dans notre vision biblique et chrétienne de Dieu. Et alors, voilà que Dieu va s’engager dans l’histoire. C’est déjà commencé, évidemment avec l’alliance depuis Abraham, mais l’alliance va aller beaucoup plus loin. Et alors c’est déroutant parce que  comment Dieu peut-il se rapprocher comme ça de ses créatures ? Humainement ce n’est pas pensable. Les autres religions n’ont pas pensé ça, les autres sagesses n’ont pas imaginé une chose pareille. Il a fallu que ça nous soit révélé. Il est le Roi, comme nous avons chanté ensemble le psaume. Il est à la fois le Roi et le Serviteur. On voit que nos mots sont trop petits. Et que même nos concepts pour parler de Dieu et de ce que nous portons dans notre foi sont trop petits. Nous voyons avec Jésus lui-même ce dualisme : ceux qui vont aller au Paradis, ceux qui vont aller en Enfer. Ça fait partie d’une manière de présenter qui est pédagogique pour secouer un peu ceux qui risquent effectivement de se paumer, voilà. Mais Dieu ne crée pas l’enfer, c’est évident. L’enfer, c’est le refus de Dieu, il ne peut pas créer le refus de Dieu, impensable ! Donc s’il existe, c’est les hommes qui le créent dans leur liberté dévoyée. Alors, nous comprenons bien, tout ça c’est une manière de dire dans la culture religieuse juive du temps de Jésus déjà.

Mais alors qui doit, j’allais dire, craquer pour s’ouvrir à beaucoup plus que ce que, même déjà les prophètes avaient annoncé. Et quand le Christ vient, Il dit : ce que vous avez fait aux plus petits, c’est à moi… Ézéchiel : c’est moi qui viendrai ; voilà, c’est moi. Mais comment ? Dans le dernier. Ce renversement complet de perspective, ça n’est pas du tout naturel, ça ne vient pas des hommes. Et nous avons là bien au contraire la preuve qu’il y a là une révélation, une révélation très forte, que nous n’osons pas mettre en pratique, parce que si nous mettions en pratique, alors nous ferions comme avait fait ce grand Saint français Saint Vincent de Paul. Il a ramé dans sa vie. Les pauvres sont nos maîtres, oui parce qu’Il est là. Il nous fait signe dans les pauvres. On ne le voit pas ! C’est que l’on ne veut pas regarder, voilà. On n’a pas le cœur assez pur pour voir Dieu dans notre frère. Et alors à la fin de sa vie, Saint Vincent de Paul dit : Je n’ai pas fait assez ! C’est magnifique et c’est vrai. C’est tout à fait l’expression de ce que nous vivons.

Alors justement cette fête du Christ Roi de l’Univers nous invite à gratter un petit peu plus les apparences des choses, y compris dans notre manière de dire et dans notre foi pour aller plus loin. Il est déjà là.

Et alors là c’est Saint Paul, évidemment dans la deuxième lecture, c’est la centralité du Christ. Chez Saint Paul, elle est extrêmement fréquente, et nous la retrouvons bien là évidemment. C’est Lui qui doit régner. Et quand on dit au Père : Que Ton règne vienne, c’est par le Christ. C’est Lui la clé. C’est Lui par sa Résurrection d’entre les morts qui vient justement ouvrir une perspective dont nous vivons maintenant, on n’est pas encore morts. Alors il y a la mort naturelle, et puis la mort au péché, du péché, la mort à Dieu. Dans Saint Paul il faut faire attention. Les mots sont trop petits pour dire tout cela. Mais nous comprenons bien que le Christ est ressuscité, et déjà Il nous fait entrer dans la Vie éternelle. Donc dans ces petits gestes tout simples, le don de nous-même dans nos frères et en particulier ceux les plus démunis, c’est ça l’attitude chrétienne et l’attitude de Dieu, c’est la vie éternelle qui est là. C’est le Christ Lui-même qui est là. Alors nous le reconnaissons dans nos prières, dans nos liturgies, dans les Sacrements, mais comme on a pu dire, et l’expression n’est pas mal : il y a le Sacrement du frère. C’est une présence de Dieu nos frères, ou sœurs. Oui, et Il me fait signe, et Il m’attend. Ce que vous n’avez pas fait, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. C’est le deuxième versant, voyez c’est pour nous stimuler.

Alors, nous sommes dans cet entre-deux, et nous avons à choisir comme déjà à la fin du Deutéronome il y a cette phrase très célèbre : Je mets devant toi la vie et la mort, choisis la vie ! Il faut choisir. Alors en fin d’année liturgique, avec le Christ Roi de l’Univers : où est-ce que j’en suis moi, de mon choix dans ma vie ? Et où est-ce que nous en sommes ensemble ? Et dans cette société qui est déboussolée qui aurait bien besoin justement de trouver cette lumière : Où est-ce que j’en suis ? Et alors c’est formidable, point de vue pédagogique, nous allons marcher vers Noël, à partir de dimanche prochain! C’est l’année nouvelle, le cycle des années, de l’année B, des lectures de l’année B. On termine l’année A, on va prendre l’année B. Mais on va se remettre en route, oh on l’est toujours, comme disait le chant autrefois : c’est Noël tous les jours. Oui nous vivons tous ensemble, mais on a besoin, par pédagogie, de pouvoir se redire les choses, et d’aller plus loin, et de gratter au-dessous des apparences même les plus simples et les plus ordinaires, au point que l’on ne voit même plus. Voilà le regard perçant de la foi qui nous est donnée, pour non pas juger et écraser, mais au contraire : le Roi est aussi le Serviteur.

Eh bien alors si le Christ, Roi de l’Univers est venu pour servir les hommes, les bras nous en tombent, c’est incroyable. Et alors nous, alors ?