Homélie du vendredi 20 novembre 2020

20 Nov 2020 | Homélies

Père François Jourdan

33ème semaine du temps ordinaire – Année A (Ap 10, 8-11 ; Ps 118 ; Lc 19, 45-48)

Déjà donc le Premier Testament, qu’on appelle l’Ancien, mais qui est toujours valide, qui est Parole de Dieu pour les Juifs et pour nous, eh bien il le dit à plusieurs reprises d’ailleurs, cette image du prophète qui vient manger le livre. S’incorporer, nous comprenons bien, il ne s’agit pas de manger, bien sûr, au sens matériel. Mais enfin ça dit bien, il y a une soif en nous, et donc on voit le peuple tout entier auprès de Jésus, suspendu à ses lèvres, on pourrait dire qu’ils buvaient ses paroles, voyez. Eh bien il se trouve que dans notre Eucharistie nous avons toujours la liturgie de la Parole, et puis la liturgie proprement eucharistique. C’est un accomplissement : cette Parole, eh bien nous nous l’incorporons. Il faut qu’elle entre dans notre vie, dans notre cœur, et dans notre âme profonde, dans notre être profond. Et l’Eucharistie matérielle, même si on ne peut pas, dans le contexte actuel, la partager complètement, n’empêche que c’est ça, il y a une cohérence profonde, et un accomplissement, dans le Christ eucharistique, dans le Christ ressuscité, qui continue à se donner, et qui est la Parole du Père venue au milieu des hommes. C’est magnifique cette vision qui nous est donnée, jamais les hommes n’avaient pensé, ou pu, imaginer une chose pareille. Et nous le recevons comme, vraiment, une révélation.

Alors dans Saint Luc ce passage des vendeurs chassés du temple est extrêmement bref, mais il reprend – justement c’est un accomplissement – il reprend les paroles du prophète Isaïe : « Ma maison est une maison de prière, vous en avez fait une caverne de bandits ». Dans les trois synoptiques, c’est en effet ce thème-là, avec les vendeurs qui sont chassés. Et même des gens qui portaient des choses, qui prenaient un raccourci dans le temple – c’est très grand – et donc qui utilisent le temple pour autre chose, quoi. Évidemment.

Tandis que dans Saint Jean, c’est intéressant, et ça va plus loin. Non seulement il chasse les vendeurs, mais c’est surtout avec un fouet, et il n’y a que dans Saint Jean qu’il y a le fouet, c’est pour chasser les animaux : c’est à dire qu’il y a abolition des sacrifices. Alors là aussi vous voyez, la cohérence, elle continue depuis le Premier Testament jusqu’à Jésus. Jésus vient dans le temple, et il accomplit la présence de Dieu non plus par une présence dans un temple fait de main d’homme, mais c’est Lui qui est cette Présence. Et alors quand il abolit les sacrifices d’animaux, eh bien on lui dit : « Mais, par quelle autorité tu fais ça ? » Eh bien il dit : « Détruisez – ce n’est pas moi qui détruirai, on l’accuse à sa Passion d’avoir dit Je détruirai, il ne détruit pas – mais si vous détruisiez, c’est ça le sens, si vous détruisiez le sanctuaire, pas seulement le temple, si vous détruisiez le sanctuaire où il y a la présence de Dieu – naos en grec, ce n’est pas iéros le temple, c’est un autre mot, qui n’est pas toujours dans les textes – Bon. « Détruisez ce sanctuaire, et je le rebâtirai en trois jours ». Il parlait, dit Saint Jean, du Temple de son Corps. Voilà le nouveau temple, voilà le nouveau sanctuaire : c’est la Présence du Christ, voyez. Et là nous voyons en effet que cette révélation a commencé avec Abraham, elle s’accomplit dans la personne même du Christ. Pas seulement le temple de Jérusalem, et il n’y a plus besoin d’un temple… (aujourd’hui les Israéliens disent : « On va reconstruire le temple de Jérusalem », je ne vous dis pas les problèmes que ça va poser avec les Musulmans, qui ont fait de cet endroit un lieu saint musulman. Je ne sais pas ce que sera l’avenir, mais vraiment il y a des évolutions à faire dans les religions, en particulier avec ces trois religions-là : juive, chrétienne et musulmane).

Et alors c’est dans le Christ. Et sans aller à Jérusalem nous pouvons, ensemble, l’Église rassemblée par le Christ, nous pouvons nous incorporer cette présence du Christ Jésus dans notre vie, il ne suffit pas, comme ça, de manger l’hostie, il faut qu’elle entre dans notre cœur, voyez. Alors quand nous sortons de la messe, eh bien une messe commence, il y avait un chant qui s’appelait comme ça, qui était un chant de sortie, justement. Oui, ça n’est pas fait, c’est en train de se faire, et le Seigneur vit l’Alliance avec nous, en étant avec nous pour sortir après dans notre vie ordinaire, avec Lui.

Accueillons cette présence du Christ comme le Père l’a voulu, en nous L’envoyant, en continuant à nous L’envoyer, à nous Le donner, pour nous incorporer cette Parole qu’Il est pour nous, qui nous fait vivre.