Homélie du mercredi 18 novembre 2020

19 Nov 2020 | Homélies

Père Gilles Rousselet

33ème semaine du temps ordinaire – Année A (Ap 4, 1-11 ; Ps 150 ; Lc 19, 11-28)

Voilà, Jésus a vraiment le don pédagogique, on peut dire, de saisir. En particulier la finale de ce passage d’évangile « Amenez-les ici et égorgez-les devant moi », évidemment ce n’est pas du tout à prendre au sens littéral, mais en tous cas ça a dû saisir les auditeurs, et en particulier ceux qui n’étaient pas vraiment ouverts à ce que Jésus était en train de leur annoncer.

Dans la première lecture, il y a un passage qui peut vraiment nous éclairer sur le sens de l’évangile. « Face à celui qui vit pour les siècles des siècles, tous se prosternent devant Lui. Ils lancent leurs couronnes devant le trône en disant – Tu es digne Seigneur notre Dieu ! » Et voyez, pour lancer des couronnes, d’abord il faut avoir des couronnes. Bien, c’est sûr que Jésus, c’est un Roi qui partage sa royauté, sa couronne. Je ne dis pas seulement à égalité, mais vraiment la gloire de Dieu c’est l’homme vivant. Jésus veut que notre vie porte du fruit, et vraiment que nous soyons pleinement rois et reines de ce royaume qu’Il est venu inaugurer. Et c’est ce que nous recevons, c’est la grâce totalement gratuite que nous recevons à notre baptême puisque par notre baptême nous sommes prêtres, prophètes et rois, et reines. Mais voilà, si nous avons une couronne, à l’image de cette vision du livre de l’Apocalypse, il faut vraiment la remettre à Dieu. Ça c’est la juste compréhension de ce lien que Jésus établit pour nous communiquer sa gloire.

Alors dans l’évangile, j’ai choisi de garder ce récit puisque à l’occasion de la dédicace de la basilique de Saint Pierre et Saint Paul, on avait aussi la possibilité de choisir ‘Quand Jésus marche sur l’eau’. Mais je trouvais que c’était intéressant puisque nous avons déjà entendu ce récit dimanche à la messe. Ce n’est pas le même, il est sensiblement différent. Mais parce que je considère toujours que quand la liturgie nous propose à quelques jours d’écart le récit le même, ou parfois celui qui est parallèle dans une des péricopes, c’est peut-être parce qu’il y a une insistance. Et voilà, dans ce temps de confinement, eh bien il y a de fait une insistance de Dieu sur la manière qu’Il a de nous associer à son royaume. Voilà, nous savons bien, ni la grâce, ni le royaume de Dieu ne sont confinés, mais il y a toujours cet appel. Alors, qu’est-ce que nous entendons ?

D’abord, qu’il peut vraiment y avoir une résistance. Le troisième serviteur, eh bien c’est celui qui résiste. Alors il faut qu’on comprenne comment il résiste : peut-être en le mettant un peu en parallèle avec l’attitude des autres. Voilà, d’abord il y a dans les deux premiers serviteurs une sorte de rapidité du service, une mise en œuvre immédiate, on peut dire, de la mission qui leur a été confiée. Voilà, j’aime bien cette manière que Jésus a à confier la mission ‘Pendant mon voyage, faites de bonnes affaires, faites de bonnes affaires !’ C’est vraiment très positif : montrez votre ingéniosité, votre créativité, faites de bonnes affaires. C’est la question qu’on peut se poser dans ce temps de confinement : Comment vraiment nous essayons de faire de bonnes affaires ?

La deuxième chose, c’est qu’effectivement, quand le maître revient, ils ne s’attribuent pas le mérite. Ils disent bien « Seigneur, la somme que tu m’avais remise a été multipliée par dix. » C’est la somme. Il ne dit pas « Regarde comme j’ai bien servi ! » C’est la somme que tu m’as remise qui a été, c’est ce qu’on appelle un passif divin, c’est à dire : c’est vraiment un serviteur qui a été au service. Ce qui lui a été remis comme talent a porté du fruit, mais il dit « C’est la qualité du talent que tu m’as remis ». Et c’est par la grâce, on peut dire, que ça a porté du fruit. Voyez. Il y a vraiment cette action de grâce ‘Seigneur je ne m’attribue pas’, vous savez bien la parabole, ce que Jésus dit à propos du serviteur. Nous sommes des serviteurs désintéressés. Voilà nous sommes vraiment à ton service, mais c’est Toi qui agis. Je me laisse agir. J’aime bien cette parole de Marie qui dit « Qu’il me soit fait selon Ta parole. » C’est laisser la grâce agir en nous, mais c’est un fait qu’elle ne peut agir que si je me tiens à sa disposition. C’est une très belle prière le matin, dire ‘Seigneur, ce jour qui commence, je le remets entre Tes mains. Voilà, que je puisse être Ton serviteur.’

Vous aurez remarqué que le maître ne se réapproprie pas ce qu’il a confié à son serviteur, mais il le multiplie. Et ça c’est la joie de Dieu. C’est vraiment : Dieu veut que notre vie porte du fruit, et du fruit qui demeure. Ça, c’est la joie de Dieu. Il n’a pas besoin d’en avoir plus pour Lui, puisqu’Il est précisément la source de toute grâce.

Alors le troisième serviteur, il décrit d’abord, vous avez vu, que lui a gardé cette somme. Je l’ai gardée enveloppée dans un linge. Je l’ai gardée. Mais alors il va être jugé sur les paroles, sur ce qu’il a dit. C’est-à-dire, vous avez vu comment la parabole dit « Je vais te juger sur tes paroles, tu savais que je suis un homme exigeant, que je retire ce que je n’ai pas mis en dépôt. » Est-ce que c’est Dieu ça ? Non, en fait le problème c’est que ce troisième serviteur, il croit connaître Dieu. Vous savez parfois, ce qu’on croit savoir sur quelqu’un nous empêche vraiment de rencontrer cette personne. Donc ce n’est pas Dieu qui le juge, c’est lui-même en fait. C’est-à-dire que c’est la mauvaise image qu’il a de Dieu qui le met dans une relation avec Dieu qui est inadaptée. Il y a un très beau passage dans le catéchisme de l’Église catholique sur le Notre Père, passage qui introduit la prière du Notre Père qui dit : parfois on se fait une idole de Dieu. Et cette manière de considérer Dieu change notre relation avec Dieu. Alors le catéchisme dit que Dieu doit purifier cette image que nous avons de Lui. C’est-à-dire, c’est dans la patience que Dieu petit à petit va révéler le vrai visage de Dieu. C’est à dire, Jésus va révéler le vrai visage de Son Père. Voyez, le problème du troisième serviteur, c’est qu’il ne connaît pas Dieu en fait. Alors c’était un peu le cas des interlocuteurs de Jésus dans l’Évangile, c’est pour ça qu’il leur parle de cette manière-là. Mais ça peut être aussi notre cas. La peur de servir, parce qu’on n’a pas assez confiance dans le fait que Dieu nous fait confiance, dans le fait que c’est Dieu qui agit. S’il nous confie une mission, ce n’est pas pour nous écraser, mais c’est vraiment pour que nous soyons pleinement associés à Sa grâce. Alors peut-être que dans ce temps de confinement, justement on peut regarder un peu de manière différente comment nous pouvons utiliser ces mines, ces talents que le Seigneur nous a confiés, et il nous en a confiés. Et que nous puissions vraiment entrer dans la joie du serviteur à qui le maître va dire « Serviteur bon et fidèle ! Tu as été fidèle dans peu de choses, je t’en confierai davantage. »

Amen.