Homélie du dimanche 31 mai 2020 – Père Laurent de Villeroché

2 Juin 2020 | Actualité, Homélies

Pentecôte   Année A – Ac 2, 2-11 Ps 103 ; Co 12, 3b-7, 12-13 ; Jn 20, 19-23

Vous avez peut-être profité du confinement pour lire ou relire la Bible, comme une petite retraite… Pas besoin de confinement pour essayer de le faire ! En tous cas, si vous vous êtes livrés à ce bel exercice, vous savez quand apparaît la première question dans la Bible, le premier point d’interrogation ? C’est au chapitre 3, après leur péché, Adam et Ève se sentent un peu perdus… Ils ne savent plus bien se comporter face à Dieu, et même entre eux ! Vous voyez, trouver la juste distance, c’est une vieille histoire… En tous cas, Dieu, fidèle à lui-même, fidèle à son alliance, les cherche dans le jardin, là où ils avaient tout pour être heureux. Là, Il appelle Adam en lui disant : « Où es-tu ? » Voilà la première question de la Bible. Grâce à cette question et parce que Dieu a pris l’initiative, le dialogue va pouvoir se renouer. Pourtant, il va falloir beaucoup de temps… C’est tout le temps de l’Ancien Testament jusqu’à Jésus. On peut penser que dans la Bible, c’est toujours cette même question qui résonne. Je vous propose le bonheur, dit Dieu. Je vous tends la main, pour vous apprendre à nous entendre et à vous entendre entre vous… Où êtes-vous ? La Bible ne cesse de raconter les initiatives de Dieu et les ‘bouts’ de réponse du peuple de Dieu qui est témoin de l’humanité, une humanité qui progresse, qui chute et qui repart ! Jusqu’à Jésus qui donne un autre esprit, et qui, lui répond : Me voici ! Tu m’as fait un corps, tu m’as fait une existence, me voici, Je suis là pour faire ta volonté !

Avec la Pentecôte que nous fêtons aujourd’hui, nous avons le récit de ce qui se passe quand les hommes acceptent enfin d’entrer dans la même réponse que Jésus, de faire la même réponse que Lui. C’est comme nous ce matin, qui disons : Nous sommes là, nous voici ! Vous rendez-vous compte ? Ça commence au début du monde et nous répondons aujourd’hui ! Quand on lit les textes, quand on les entend, on voit le bon esprit qui se diffuse quand les hommes se laissent faire. Pour être un peu plus concret, selon le récit imagé des Actes des Apôtres, il y a trois signes qui se manifestent quand les hommes se laissent faire justement ! Ces trois signes sont : le vent, le feu, et le fait que chacun écoute… -c’est rare dans notre société- et entend l’autre, ça c’est peut-être encore plus rare… 

Le vent, sous la forme d’un violent coup de vent qui remplit la maison ; le vent, c’est aussi l’air frais qui fait du bien ; le vent, c’est aussi ce qui pousse le bateau au large ; avec cette image du vent, le récit rappelle symboliquement que tout ne vient pas de nous. C’est intéressant d’écouter, de réfléchir ce signe, dans une période où un virus a arrêté les hommes, la société et même notre Église. L’homme a été rappelé à sa condition. Il a refait la dure expérience que, malgré les techniques qui le font progresser, il faut qu’elles soient là, jamais il ne pourra tout maîtriser, dans la nature et dans la vie. Le vent souffle comme il veut. Et plutôt que de nous prendre pour des dieux, ne vaudrait-il pas mieux réapprendre à tenir compte de notre environnement, de notre rythme… Adam, où es-tu ? À force de croire que tout est possible, tout de suite, tu oublies qu’on ne peut bâtir le monde au rythme de tous, sans respect des équilibres de la nature, et des relations. Alors laisse toi guider par le vent ! Comme le dit un proverbe africain, le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui. Peut-être que nous avons retrouvé un autre sens du temps… Se laisser faire par le vent ne veut pas dire que l’homme doit devenir une girouette, sensible au moindre courant d’air, ça ne donnerait  pas grand-chose (et on risque de s’enrhumer !).

Le deuxième signe du récit nous montre qu’il s’agit de suivre ce courant porteur –le vent- qui nous conduit au feu de l’action ! Là où chacun peut contribuer à la croissance d’un monde où il fait bon vivre. Chacun peut prendre sa part ! C’est encore un signe du récit : c’est ce que montre symboliquement ce feu qui se partage sur chacun des disciples –et je suis en train de voir une petite lumière qui s’allume au-dessus de chacune de vos têtes !- C’est une bonne leçon pour nos communautés chrétiennes, nos paroisses qui commencent à réapprendre à vivre, un peu autrement. Nos communautés seront fidèles à l’Esprit de la Pentecôte, si on retrouve de moins en moins les mêmes à tous les postes… clairement ! Car de plus en plus, chacun laissera l’Esprit le pousser à faire un petit quelque chose… que les équipes de liturgie grandiront, que l’on trouvera d’autres personnes pour accueillir les familles en deuil –et nous en avons eu besoin- et aussi qu’on trouvera des personnes pour le baptême, le mariage, pour accueillir, qu’à la fin de la messe, on trouvera des gens pour nettoyer les chaises !

Adam, où es-tu ? C’est la question de Dieu ! Et nous, dans l’Esprit de la Pentecôte, nous pourrons répondre : oui, me voici ! Je ne peux pas faire grand-chose, mais ça me brûle de le faire ! Me voici ! Et nous saurons que l’Esprit est là ! Quand cet Esprit se diffuse, on en voit la conséquence : chacun se met à parler selon le don qui l’habite, et alors, par la diversité des dons peut se jouer une symphonie de charismes ! C’est ce charisme de l’ensemble de la symphonie qui est plus important que les charismes personnels. C’est grâce à cette symphonie que le monde peut se mettre à entendre les merveilles de Dieu, chacun dans sa langue,  ce qui signifie que chacun est rejoint dans sa culture, dans son histoire… Si je reviens à l’actualité, les chrétiens ont sûrement réussi à étonner en réclamant de pouvoir à nouveau célébrer ensemble. Nous donnions le signe au monde que, pour être humain, il ne suffit pas de pouvoir faire ses courses, ou même de se promener au-delà des 100 kms, étonnés…

Adam, où es-tu ? J’ai besoin de puiser dans ta rencontre le goût de rencontrer les autres en profondeur, car, sans cesse, toi Dieu, Tu nous redis ton désir de nous embarquer dans une aventure commune, et tu veux être là avec nous ! Vous verrez peut être à la sortie de la messe la journaliste qui était là au début ; peut-être pourrez-vous témoigner des merveilles de Dieu ! Si une journaliste est là, c’est peut-être le signe que nous avons étonné…  En tous cas, à la Pentecôte, les disciples se laissent faire pour donner le témoignage d’un autre Esprit, d’une autre entente possible pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Si nous sommes réunis ce matin, c’est pour cela !

Oui, nous aussi, comme les Apôtres à la Pentecôte, nous essayons de former cet embryon de peuple que Dieu souhaite.  Nous avons réappris à compter avec le vent ; la crise, le manque ont réveillé le feu.  L’envie de créer ou d’inventer des liens de communion ; je pense à nouveau à tous ceux qui se trouvent avec nous, par écran interposé…et tous ceux pour lesquels nous allons longuement prier tout à l’heure. Au fond comme pour les Apôtres, il nous suffit de constater nos verrous et de laisser le Ressuscité passer à travers nos verrous. Il suffit d’accueillir sa paix et son envoi en mission. C’est pour cela que tout à l’heure nous avons accueilli le cierge Pascal ; c’est tout simplement pour nous redire ensemble notre désir d’aller puiser en sa présence de quoi éclairer nos routes.  Nous savons en effet que toute la vie de Jésus a su répondre à la question de Dieu : Adam, où es-tu ? Le Ressuscité nous propose d’entrer dans sa réponse et d’avancer ensemble.

Je reformule la question de la Genèse : Peuple de Dieu, ici rassemblé à st Marceau, ou dans les deux autres églises de notre paroisse, peuple de Dieu derrière ton écran, où es-tu ? Laisse souffler le vent, laisse le feu se rallumer. Gagne l’envie de parler avec d’autres des merveilles de Dieu ! Vous savez, des ‘gueules’ de ressuscités, même derrière un masque, ça illumine le monde, et le monde en a bien besoin ! Amen !