Homélie du samedi 21 mars 2020 – Père Gilles Rousselet

21 Mar 2020 | Actualité, Homélies

3ème semaine de carême (Os 6, 1-6 ; Ps 50 (51), 3-4, 18-19, 20-21ab ; Lc 18, 9-14)

Je voudrais partager avec  vous ce matin cette notion de fidélité.

Dans la première lecture, le premier verset « Venez, retournons vers le Seigneur ; il a blessé mais il nous guérira. » doit arrêter notre attention : c’est le Seigneur qui blesse et c’est celui qui guérit. Demandons-nous de quelle manière le Seigneur nous blesse. On peut faire cette expérience que quand nous sommes blessés, c’est souvent notre orgueil et notre illusion sur nous-mêmes qui est blessé. On retrouve cette démarche, qui est une des grandes caractéristiques de la miséricorde, dans le Magnificat. « Il abaisse ceux qui s’élèvent. Il élève ceux qui sont dans l’humilité. » C’est le regard que Marie porte sur l’œuvre de Dieu. C’est vrai qu’il y a quelque chose de dangereux : notre orgueil. Je me rappelle quand je faisais du cheval quand j’étais jeune. J’étais grand, un peu plus que maintenant (depuis, je me suis un peu tassé) et on m’avait, la première fois, octroyé un box où je devais aller chercher ma monture : c’était le plus petit poney du haras ! En montant dessus, j’avais les pieds qui traînaient par terre… C’était une blague de bizutage, c’était assez drôle. Après, ils m’ont donné le cheval le plus grand. J’ai fait du cheval pendant un an et après j’ai arrêté : à force de tomber de si haut, je me suis fait vraiment mal ! C’est un peu comme une parabole : quand on s’élève, on se fait mal…

Une grande preuve de l’Amour de Dieu pour nous est qu’en nous blessant, ce n’est pas nous exactement qu’il blesse, c’est notre orgueil, notre ego ; parce qu’il n’y a rien de plus dangereux que de vivre pour soi et par soi, ce qu’est l’orgueil. Saint Jean Chrysostome raconte une parabole : deux chars font la course. L’un est la vertu et l’orgueil, l’autre est le péché et l’humilité. C’est le 2ème qui va le plus vite. Saint Jean Chrysostome prend l’exemple du Publicain et du Pharisien.

Si nous regardons de près cette parabole, nous voyons deux hommes qui sont dans le même lieu : le temple, lieu de la prière, de la présence de Dieu pour les Juifs (nous savons ce que Jésus répond à la Samaritaine, ce n’est plus dans un lieu particulier que nous pouvons adorer, c’est dans notre cœur.) Les deux hommes commencent leur prière de la même manière « Mon Dieu », ils s’adressent tous les deux à Dieu mais le dénouement n’est pas le même : l’un rentrera chez lui justifié, l’autre non. Etre justifié signifie être rendu juste. C’est cela la grande fidélité : vivre dans cette confiance que nous sommes pécheurs et aimés. Nous nous rappelons comment le Pape François se présentait à ce journaliste, après avoir réfléchi quelques secondes : « Je suis un pécheur a qui Dieu a fait miséricorde ». Notre plus grande fidélité, doit être celle là : Jésus Christ, Fils de Dieu, prends pitié de moi, parce que je suis pécheur et que tu es miséricordieux. 

Donc, ils s’adressent tous les deux à Dieu : l’un est justifié, ce qu’il ne croyait pas possible, en s’appuyant non sur lui-même mais en s’appuyant sur Dieu. Quelle merveilleuse surprise de se découvrir justifié, c’est-à-dire rendu juste ! C’est Dieu qui nous rend juste et non pas nos vertus, vertus qui viennent de Dieu. L’autre n’est pas justifié, parce qu’il s’appuie sur lui-même. Le dialogue du pharisien est entre « je » et « ils », alors que la prière est un dialogue entre « je » et « tu ». Ce que fait le pharisien est admirable, on ne peut pas lui reprocher de faire tout ce qu’il fait, notamment de payer son denier du culte (D’ailleurs, vous savez que vous pouvez continuer à verser au Denier de l’Eglise. L’Eglise, votre communauté paroissiale, va avoir besoin de votre soutien dans ce domaine aussi. Je ferme la parenthèse). On ne peut rien lui reprocher, mais tout vient de lui : « je, je, je… » Et son regard centré sur lui-même l’amène à parler des autres, « ils »,  des pécheurs auxquels il ne veut pas se comparer. Tout ça ne vient pas de Dieu, il ne dit pas « c’est grâce à toi que je vis de cette manière là. »

Thérèse de Lisieux, par exemple, quand elle voit les pécheurs, rend grâce car le Seigneur l’a protégée. Elle demandait pardon pour tous les péchés dont elle a été protégée. Saint François d’Assise, à chaque fois qu’il voyait quelqu’un commettre un péché, demandait pardon au Seigneur et la grâce de la conversion.

Tandis que le publicain a un dialogue entre « je » et « tu » : je suis pécheur, mais toi Seigneur, tu fais miséricorde. C’est la raison pour laquelle il rentre chez lui justifié. C’est la plus grande grâce qu’il peut nous arriver.

Peut être qu’en ce temps de Carême et ce temps de confinement, nous avons le temps de faire non pas de l’introspection, mais on est toujours dans l’attitude du fils qui revient vers son père et qui regarde sa vie et constate que justement, il n’a pas été fidèle, qu’il s’est éloigné, qu’il l’a renié (demander l’héritage, c’est considéré que le père n’existe plus, n’est plus dans sa vie ». Il fait ce regard sur lui, regard intérieur, et il commence à s’ouvrir vers l’avenir et l’espérance : j’irai vers la maison de mon père, j’irai vers mon père. Et dans cette démarche qui doit être la nôtre, le Père va nous révéler qui nous sommes vraiment, son fils, sa fille très-aimé.e, et qu’il est pour nous un Père qui nous aime infiniment,  bien au-delà de ce qu’on peut imaginer. Et c’est cet Amour du Père qui nous justifie, nous rend juste, nous sauve. Nous sommes vraiment sauvés par la miséricorde de Dieu.

Aujourd’hui, en communion avec la Vierge Marie que nous célébrons particulièrement le samedi, nous pouvons demander à l’Esprit Saint :  Viens, Esprit Saint, et éclaire moi sur la vérité de ma vie. Que je puisse découvrir qui je suis. Que si je fais quelque chose de bien, je te rends grâce, parce que cela vient de toi. Et s’il y a quelque chose dans ma vie qui a besoin d’être ajusté, parce que je me suis détourné de toi, parce que j’ai jugé mes frères, (ce qui est d’ailleurs le signe de mon manque d’humilité) que je n’ai pas agi selon le commandement que tu m’as laissé, ces commandements que je dois garder et mettre en pratique, Seigneur, humblement, comme nous le vivons dans toute eucharistie (construite d’ailleurs du début jusqu’à la fin, comme une démarche de vérité pour accueillir le suprême de la miséricorde de Dieu, kyrie-gloria-Agneau de Dieu) je te le demande : Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dit seulement une parole et je serai guéri.

 Dans un désir de grâce de l’eucharistie, demandons à Dieu de nous faire miséricorde, car telle est son affirmation dans cet évangile : « Nous rentrerons chez nous justifiés ». Que toute gloire soit rendue à Dieu ! Amen