Homélie du vendredi 20 mars 2020 – Père Gilles Rousselet

20 Mar 2020 | Actualité, Homélies

3ème semaine de carême  (Os 14, 2-10 ; Ps 80(81), 6c-8a, 8bc-9, 10-11ab, 14.17)

Commençons par les 4 premiers mots de l’évangile : « En ce temps là » prend une dimension particulière. C’est vraiment pour aujourd’hui. Puissions nous dans un acte de foi et de reconnaissance,  considérer que la Parole de Dieu que nous venons d’entendre, qui est une bonne nouvelle déjà annoncée dans l’ancien testament par la première lecture, est en ce temps là, en ce temps qui est le nôtre, en ce contexte de confinement. Evidemment, la Parole de Dieu comme dit le prophète Isaïe « ne remontera pas au ciel, comme la pluie, sans avoir accompli ce pour quoi elle nous est donnée. » Nous croyons vraiment, dans un acte de foi, à cet instant, et pouvons dire « Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole. » Que nous nous mettions à l’école de la Vierge Marie.

Vous avez entendu, dans la première lecture, comment Dieu nous annonce par la bouche du prophète Osée, la dimension de son Amour : son pardon au peuple qui revient vers Lui. Et ce n’est pas Dieu qui attend que le peuple revienne. En fait, la proclamation d’Osée est une puissance d’attraction. J’aime cette expression : la foi est une histoire d’aimantation, d’attraction. Comme un aimant attire le métal, la Parole de Dieu exerce sur nous une aimantation. C’est peut être nous qui avons l’impression de faire le premier pas, alors que c’est Dieu qui accomplit tous les pas et qui, en nous appelant, nous donne la capacité de répondre.

Laissons nous toucher, n’ayons pas peur, pas de scrupule ! Quand nous avons le temps de faire un retour sur soi, surtout quand on a connu l’épreuve de la maladie, on prend conscience de la fragilité de notre existence, et combien nous avons besoin de l’appuyer sur un rocher sur un roc qui est le Seigneur lui-même.

Un scribe, spécialiste des Ecritures, propose un cas d’école. Il y a dans le judaïsme 613 commandements, c’était un cas d’école que de demander quel était le plus important. On voit dans l’Ancien Testament comment ce nombre a été condensé petit à petit. Et Jésus va répondre, de manière toujours étonnante. Jésus est un maître, un rabbi, il l’est d’une manière particulière. C’est pour cela qu’il lui répond « tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ». (je reprendrais cette réponse étonnante). D’abord, il lui dit « le premier commandement,  c’est ‘Ecoute, Israël’. » Un juif pieux connaît « Shema, Israël, Ecoute, Israël ». Pourquoi est-ce important ? Parce que la Parole de Dieu nous est donnée, vraiment comme une puissance de transformation. Vous vous souvenez de ce que dit le chant « Si tu as la foi comme une graine de moutarde, ainsi parle le Seigneur, tu pourras dire à la montagne, bouge de là… » Par la foi, en l’accueil de la Parole de Dieu, nous pouvons soulever des montagnes. L’écoute, c’est se décentrer de soi-même. Personne ne peut inventer ce que la Parole de Dieu nous révèle. Personne ne peut inventer la manière dont Dieu lui-même à de se révéler à nous par son Amour infini. SI je ne commence pas par écouter, comment puis-je me laisser travailler par la Parole ?  « Ecoute, Israël ! » Que chacun de nous prenne le temps d’écouter la Parole de Dieu.

Après, c’est «le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur et l’aimer de tout son cœur, de toute sa force, de toute son intelligence et de tout son être. » Il n’y a rien en nous, aucune composante de notre être, qui pourrait être dispensé de cet amour. Il y a des personnes, comme disaient Thérèse de Lisieux, qui sont petites cruches ou grandes cruches. Moi, Père Gilles, je suis peut être une petite cruche, mais l’intérêt de cette petite cruche, c’est d’être toute remplie de cet amour pour Dieu. Et c’est plus facile de remplir une petite cruche qu’une grande cruche. L’intérêt d’une cruche, c’est d’être remplie et qu’elle déborde. Et même si elle est fissurée, comme la grâce de Dieu est surabondante, de toute façon son intérêt est d’être toute débordante. Du coup, elle se livre totalement à Dieu. Que toute notre vie soit orientée vers Dieu : voilà le premier commandement.

Il y a un deuxième commandement, Jésus dit qu’il lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Vous avez vu que là, il y a deux commandements : Jésus n’a pas répondu par 1 commandement, mais par 4 ! 1/Ecoute. 2/ Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ton intelligence, de toute ta force. 3/Aime ton prochain. Ce commandement est la vérification de notre amour pour Dieu, et en même temps, aimer mon prochain, c’est ce qui enflamme mon cœur, comme disait Charles de Foucault. 4/ Comme toi-même. Comment comprendre cet aspect là ? C’est aimer son prochain comme toi-même tu es aimé. C’est parce que tu es aimé que tu es invité à aimer. Et en même temps, c’est vrai que je ne peux aimer que quand je suis vraiment réconcilié avec moi-même. On sait bien comment des blessures ouvrent notre cœur, même s’il y a aussi des blessures qui ferment notre cœur. Péguy disait qu’il a des cœurs tout rayés de l’intérieur et qui laissent passer la grâce. Les blessures de notre vie peuvent vraiment être transformées pour que notre cœur soit rempli et déborde d’amour.

Le commandement est au futur : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et tu aimeras ton prochain. » Pourquoi ? Parce que c’est un chemin… Je peux dire « je crois », comme le centurion romain « je crois, viens au secours de mon incroyance ! » J’aime, Seigneur, mais apprend moi à aimer, car je n’ai jamais fini d’aimer. J’espère, mais viens au secours de mon manque d’espérance. Nous sommes  en chemin, on croit avec ses pieds, on aime avec ses pieds. Que nous ne soyons pas, même en ces temps de confinement, des chrétiens canapés, comme dit le pape François aux jeunes. Même dans un espace réduit, que nous soyons intérieurement toujours en mouvement et en déplacement. Que nous n’ayons jamais la peur ou l’empêchement de notre propre volonté de nous lever et d’aller vers le Seigneur : « je me lèverai et j’irai vers mon Père. » comme dit la Parole de Dieu. C’est un chemin à parcourir et sur lequel nous avons à toujours nous décider. Aimer, ce n’est pas une question d’émotions et de sentiments, c’est une question de volonté. Rappelez-vous ce que dit Thérèse d’Avila « cette petite chienne de bonne volonté ». Que nous ayons toujours cette « petite chienne de bonne volonté » qui nous dit « allez, je me lève, et je vais vers mon Père qui m’aime ». Et je peux toujours m’appuyer sur la Parole de Dieu qui ne trompe pas : je ne peux pas la déformer. Il n’y a rien en Dieu qui ne soit fermeture aux pécheurs que nous sommes.

Que ce temps de carême soit pour nous l’occasion d’écouter la Parole de Dieu, c’est facile ! J’espère que chacun a à la maison une bible. C’est l’occasion de l’ouvrir, de la dépoussiérer. Vous pouvez aussi trouver la bible sur internet (AELF.com) et d’autres sites qui proposent des lectio divina, ou réécouter cette messe en replay. Mais asseyez-vous, même en famille, prenez le temps de lire la Parole de Dieu, de la méditer, de la ruminer. J’aime bien l’image des vaches dans les prés qui ruminent (malheureusement, la version papier de l’homélie prive de l’imitation – NDLR). La Parole de Dieu diffuse son suc bienfaisant de sagesse, de renouvellement, de conversion, pour qu’elle produise tous les fruits que le Seigneur veut. Ce n’est pas nous qui décidons ce que la Parole de Dieu va produire en nous, c’est Dieu qui le sait.  Et vous savez combien il nous aime, combien il a le désir de nous nourrir.

Enfin, Jésus parle de la proximité du Royaume de Dieu. L’homme a fait une remarque judicieuse, il a bien parlé. C’est bien de bien parler ; et en même temps, il s’agit de garder et de pratiquer. C’est pour cela que Jésus lui dit de faire attention : « tu as bien parlé, tu es un bon théologien, mais il faut le mettre en pratique. »

L’autre aspect est que Jésus commence sa prédication à la suite de Jean-Baptiste, par la même expression que lui : « Convertissez-vous, le Royaume de Dieu est tout proche. » C’est différent de Jean-Baptiste qui en parle d’un point de vue chronologique. Jésus, lui, parle d’une réalité, car le Royaume de Dieu, c’est lui ! Et ce qui change tout, en fait, dans le Royaume de Dieu, c’est que nous accueillons le Christ. « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ». Nous ne sommes pas loin du Royaume de Dieu ! Pourquoi ? Parce que Dieu s’est fait proche, et qu’il m’appartient, à moi, de prendre cette décision et de dire : « Seigneur, voilà, avec la Vierge Marie, qu’il me soit fait selon ta Parole. Je suis ta servante, je suis ton serviteur. »Amen